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Construire tout en conservant un maximum de valeur pour chacun des éléments afin qu’ils puissent potentiellement être réutilisés plus tard: tel est le fil rouge qui soutient le projet «Petite maison», officiellement inauguré à la mi-septembre. «Mais les normes sont tellement changeantes qu’il est difficile de savoir comment bien faire», a expliqué l’architecte Carole Schmit, porteuse de ce projet de «Petite maison», en introduction à l’atelier-table ronde organisé ce mercredi autour de la thématique de la circularité et du réemploi dans la construction, et suivi de bout en bout par une soixantaine de personnes. «Ce projet montre à quoi l’architecture du futur peut ressembler et quelle attitude les concepteurs devront adopter pour rendre les principes de constructions circulaires à la fois abordables et attirantes pour ses utilisateurs.»

Le maître-mot qui est ressorti de l’ensemble des débats et discussions de cet atelier est sans nul doute «Digitalisation». Il apparaît en filigrane à toutes les étapes de la réflexion sur la meilleure façon de valoriser des matériaux et des déchets.

La loi déchets du 21 mars 2012, présentée par Yannick Pau, Chargé de Projets au ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, et Vishojit B.Thapa, Chargé d’études dans l’Unité Stratégies et Concepts  de l’Administration de l’Environnement, a ainsi fait l’objet de modifications en juin 2022 afin de davantage répondre aux réalités du terrain.

Par exemple, l’article 26 prévoit une extension des modalités concernant l’inventaire des matériaux à déconstruire que les maîtres d’ouvrage doivent établir préalablement à toute déconstruction pour un volume bâti supérieur à 1.200 m3 (et un volume de déchets supérieur à 100 m3) et par un organisme agrée pour un volume bâti supérieur à 3.500 m3. Un guide assorti d’un modèle Excel de l’inventaire existant est à disposition des entreprises intéressées.

Cet article 26 prévoit aussi la mise en place d’un registre informatique des matériaux de construction, à établir par le maître d’ouvrage pour les constructions de bâtiments supérieurs à 3.500 m3 construits après 1er janvier 2025. 01/01/2025. Un Règlement grand-ducal est en cours de préparation pour préciser la mise en œuvre d’un tel registre informatique.

Pour une meilleure visibilité des ressources disponibles

Le projet InterReg NWE «Digital Deconstruction» était au cœur de cet atelier/table ronde. Il s’agit de favoriser le développement d’une plateforme innovante intégrant différents outils digitaux en vue de faciliter le principe de déconstruction circulaire.

«La plupart du temps, pour les bâtiments sur lesquels nous intervenons, nous ne disposons pas d’information technique, de modèle BI ni d’inventaire», a expliqué Jean-Yves Marié, CEO de la société BIM-Y, spécialisée dans la modélisation numérique de toutes sortes de bâtiments. «Nous pouvons scanner jusqu’à 12.000 m2 de surfaces par jour, en prenant une photo tous les 1,5-2 mètres et détecter, à l’intérieur des bâtiments, des ‘objets’ tels que des portes, fenêtres, ascenseurs, éclairages, capteurs etc.  Ensuite, à l’aide d’outils d’intelligence artificielle, nous pouvons restructurer toutes ces données pour en faire un ensemble réutilisable et modélisable.»

Cette approche permet, entre autres avantages, une meilleure planification des chantiers futurs, en identifiant la disponibilité des ressources en fonction de la déconstruction programmée d’autres bâtiments. «Il est ainsi possible de s’appuyer sur une gestion plus globale et de définir certains gisements urbains (pour le béton, l’acier) et mieux comprendre quelles ressources un territoire possède.»

Ce projet «Digital Deconstruction» regroupe 14 partenaires français, belges, néerlandais et luxembourgeois. Pour le Grand-Duché, les chiffres sont très parlants: les déchets de construction et de démolition représentaient, en 2020, quelque 9 millions de tonnes (dont environ 7 millions constitués de terres d’excavation), dont moins de 3% sont considérés pour le réemploi. «La digitalisation est un élément essentiel pour le réemploi de ces matériaux» a assuré Dr Arch. Annie Guerriero, coordinatrice du projet au sein du Luxembourg Institute for Science and Technology. «Mais il y a quelques défis de taille à relever, comme la gestion d’une masse importante d’informations de nature et de format différents qui rend difficile les modélisations».

Digital… mais pas que!

Mais le digital ne fait pas tout non plus. Un matériau reste ce qu’il est, parfois encombrant et compliqué à stocker. Guillaume Dubois, Cadre-Dirigeant chez Schroeder & Associés, en a témoigné en évoquant le chantier de la démolition de la gare d’Ettelbruck. «Nous avions identifié de manière subjective, les matériaux susceptibles d’être intéressants à la récupération. Mais au final, nous avons récolté plus de matériaux intéressants que nous le pensions. Et l’Institut du patrimoine architectural a, de son côté, identifié des matériaux pertinents pour lui. Sans quoi nous aurions pu passer à côté de certaines choses. L’organisation et le timing des chantiers pour assurer le stockage des matériaux sont alors très importants, et peuvent avoir une grande influence sur les délais. Un grand pas en avant qui pourrait permettre de gagner du temps et de l’énergie, c’est bien évidemment la digitalisation des informations qui permettrait alors de travailler très en amont d’un projet.»

La problématique du stockage a également été rencontrée par Rotor Déconstruction, entreprise coopérative bruxelloise active depuis 2014 dans la récupération et la revente de matériaux de construction et d’éléments de finition modernes et contemporains. «Au début de nos activités, nous pensions être plus malin en ne prévoyant pas de stock, mais nous avons dû très vite louer un entrepôt, car cela nous donne de la marge de manœuvre pour négocier des contrats. Cela nous permet également d’alimenter notre magasin en ligne», a expliqué Michaël Ghyoot, Architecte et coordinateur de projets au sein de l’asbl Rotor. «Notre clientèle se compose à un tiers de particuliers, un tiers de designers, architectes d’intérieur qui travaillent pour l’aménagement d’hôtels, restaurant et espaces publics et un tiers d’entrepreneurs en construction qui viennent acheter des lots de matériaux. »

De son côté, la société coopérative à finalité sociale Retrival, créée il y a tout juste 25 ans par le sidérurgiste Cockerill, a fait des déchets et de la déconstruction son quotidien. «Ce sont deux domaines qui ne s’apprennent pas à l’école», a expliqué Damien Verraver, son Directeur. Il faut mettre les mains dedans. Le sentir. Ce n’est pas parce qu’on sait monter une porte qu’on sait ensuite la démonter. Remettre en œuvre du matériel pour du réemploi est clairement un nouveau métier. Nous avons élargi notre activité commerciale au-delà des seuls matériaux que nous déconstruisons nous-mêmes. Et nous avons lancé, pendant l’été 2021, notre plateforme digitale et physique pour la revente de tous les matériaux que nous avons en stock.»

Quel modèle économique?

Se pose évidemment la question de la dimension économique d’une telle approche, sachant que, comme l’a précisé M. Verraver, «une plateforme digitale pour les matériaux de réemploi n’est, à elle seule, pas viable». D’où l’importance de considérer la problématique dans son ensemble, en identifiant plus en amont les gisements de matériaux et en les transformant. «C’est sur cette plus-value qu’il est possible de générer des gains. Il n’y a pas forcément de bonne ou de mauvaise solution. Tant qu’on fait quelque chose, c’est bien.»

Dans la seconde table ronde organisée en présence de Christian Rech (Ing. dipl. fondé de pouvoir chez Cimalux), Laurent Nilles (administrateur-délégué de Prefalux) et Christophe Odenbreit, professeur à l’Université du Luxembourg, il a été mis en avant le fait que, à la base, construire n’est jamais un acte écologique en tant que tel. D’où la nécessité de concentrer ses efforts sur la préfabrication et davantage de standardisation, afin de pouvoir faire plus avec moins… et de privilégier des matériaux moins énergivores tels que le bois. La démontabilité et la robustesse sont également deux facteurs essentiels dont il faut tenir compte. Avec une constante: ne pas considérer le prix final du chantier comme critère principal de choix.

À noter que les thématiques du manque de main d’œuvre qualifiée et de l’apparition de nouveaux métiers tels que celui de monteur ont également été abordées, dans un contexte de plus en plus tendu sur le marché de l’emploi dans le secteur de la construction.

À l’occasion de cette journée très instructive, les participants ont également eu l’occasion de procéder à une visite guidée de la Petite maison, qui trône en face de l’Université à Belval.

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